Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

indigènes de la République

25 février 2024

la prétendue continuité du statut stigmatisant "d'indigène" (Michel Renard - avril 2006)

Algérie jeune fille 2Algérie jeune fille 1
"fillette du Sud" en Algérie coloniale, jeune manifestante anti-laïcité en France "post-coloniale"

 

Identit__nationale_couv_d_f
* à lire pour replacer dans son contexte historique national, la confrontation sur les "indigènes" : Faut-il avoir honte de l'identité nationale ? par Daniel Lefeuvre et Michel Renard, éditions Larousse.

 

 

 

 

la prétendue continuité

du statut stigmatisant

"d'indigène"

 

Postuler une continuité entre les "indigènes"

des anciennes colonies et les "discriminés" de la société française

n'est qu'une rhétorique au profit d'un combat politique aveugle

 

Michel RENARD

 

Né en janvier 2005, le mouvement dit des "Indigènes de la République" intervient en politique en mobilisant les catégories du passé colonial de la France et en affirmant que les "discriminations" qui affectent différentes couches de la population sont la redondance de l'injustice et des inégalités coloniales.

 

Il n'y a pas d'indigènes en France
S'il faut entendre l'exaspération devant les difficultés d'accès à l'emploi, au logement ou même aux responsabilités électives et politiques, s'il faut reconnaître les frustrations nées de l'écart entre l'état social réel et les aliénants modèles de l'être consommant ou "réussissant" dans le show-bizz-télé-réalité ou dans le sport-fric-dopé de haut niveau, il n'est pas question pour autant d'avaliser un discours confusément victimaire, ni d'assimiler la laïcité à l'ordre colonial, ni encore d'accepter la prétendue continuité du statut stigmatisant "d'indigène". Il n'y a ni indigènes ni indigénat dans la France laïque et républicaine d'aujourd'hui : les injustices, inégalités, souffrances et préjugés existent mais ne sont pas généralisés, et ils ne s'adossent pas à un "racisme" qui serait substantiel à "la" République comme il l'aurait été à l'entreprise coloniale.

Je sais... On a dit pour défendre les "Indigènes de la République" : c'est vrai, ils exagèrent... mais il faut considérer le symptôme et ne pas leur faire grief d'incartades de langage qui ne sont que l'effet de leur passion et preuve de leur exigence de concrétiser les valeurs républicaines, etc... Oh, oh...! Ce ne sont pas des adolescents politiquement analphabètes qui ont écrit ce texte... Il y a parmi les rédacteurs-signataires de l'Appel des "Indigènes de la République", des universitaires, des professeurs de philosophie, des intellectuels et responsables associatifs plus que quinquagénaires, rompus aux arcanes des discours militants. Quand ils écrivent "La République de l'Égalité est un mythe", ils s'en prennent délibérément, et sur un mode mensonger, à une réalité qu'ils connaissent bien par ailleurs... Au risque de recevoir une volée de bois vert quand, sur le plateau de "Cultures et dépendances", le mercredi 25 janvier 2006, le très informé ex-rédacteur en chef du Monde, Edwy Plenel, se fait traiter de démagogue par Chahdortt Djavann qui lui rappelle que dans notre République, les étrangers bénéficient, comme les Français, de droits identiques aux allocations familiales et au RMI...! et qu'il y a bien plus de racisme dans l'Iran où elle a vécu qu'en France aujourd'hui.

 

Les origines du discours "indigéniste"
Le plus étonnant, dans le déploiement de cet argumentaire "indigéniste", c'est qu'il n'ait pas surgi plus tôt. Quand on lit dans l'appel des "Indigènes" cette condamnation de la France comme État colonial : "Pendant plus de quatre siècles, elle a participé activement à la traite négrière et à la déportation des populations de l'Afrique sub-saharienne. Au prix de terribles massacres, les forces coloniales ont imposé leur joug sur des dizaines de peuples dont elles ont spolié les richesses, détruit les cultures, ruiné les traditions, nié l'histoire, effacé la mémoire", comment ne pas établir de lien avec quelques-uns des clichés du défunt (?) "tiers-mondisme" dont le livre de Pierre Jalée en 1968, exemple parmi d'autres, avait nourri la conscience militante de gauche : Le pillage du Tiers Monde...? Ce qui était proclamé à propos du Tiers-Monde l'est, trente ans plus tard, à propos d'un passé colonial caricaturé et en apologie unilatérale des "descendants" de ce même Tiers-Monde.

Ce discours de la flétrissure avait été débusqué dans ses contradictions, par l'ouvrage de Pascal Bruckner en2020091399.08.lzzzzzzz 1983 : Le sanglot de l'homme blanc. Bruckner constatait : "Nous autres, les gâtés de la Terre, qui avons «fait» le colonialisme, la traite des Noirs, le génocide des Indiens, et qui anéantissons chaque année «50 millions» d'êtres humains par le seul jeu des échanges inégaux, détenons le monopole de l'assassinat des peuples. Être les pires, tel est notre narcissisme maladif, en face de quoi les hommes du Tiers-Monde seront les titulaires du pur" (p. 215). Que disent d'autre les prétendus "indigènes" ?

Il faut prendre le texte des "Indigènes de la République" non comme une oeuvre maladroite mais comme l'expression d'une attaque frontale contre les valeurs de la République, de la laïcité et comme une exécration du passé historique de la France... tenu en bien piètre ignorance, admettons-le. Attaque qui a puisé dans les outrances du tiers-mondisme gauchiste d'après 68.

La thématique n'est donc pas nouvelle. Elle trouve aussi des antécédents jusque dans l'«antiracisme» des années 1980. Personnellement, je peux témoigner y avoir été confronté en 1988 quand, dans certains milieux algériens issus du "mouvement antiraciste" et en passe d'être séduits par l'idéologie anti-occidentale des islamistes, on balançait à la face de son interlocuteur qu'il eut été préférable que les nazis emportassent la Deuxième Guerre mondiale ce qui, dans leur esprit fourvoyé, aurait favorisé l'accès de l'Algérie à l'indépendance... Alors, quand on argumente aujourd'hui, sans plus de mesure, sur le "statut de sous-humanité" des populations colonisées... et qu'on a laissé sans réponse les souhaits rétrospectifs de victoire de l'Allemagne hitlérienne, je doute fort de la sincérité des proclamations "indigénistes".

Mais, comme le remarquait Pascal Bruckner : "On ne peut nier la supériorité de l'Europe qu'au nom d'une certaine idée de l'Europe par une dynamique infinie, et son principal mérite est d'avoir produit l'anticolonialisme qui n'est jamais qu'une autre manière d'être occidental sur le mode du refus" (p. 264).

En réalité, la lamentation indigéniste est une posture qui, devant l'impossible positivité des références marxistes ou islamistes, vise à récupérer le capital de sympathie et de romantisme dont jouit désormais la figure des peuples en lutte pour leur indépendance dans les années 1950. Romantisme qui n'est pas étranger à la représentation stéréotypée, et admirative, de l'indigène produite par le dominant colonial lui-même...! C'est la raison pour laquelle, j'ai illustré ces pages à l'aide d'images provenant de la vision "colonialiste", car elles montrent que les stigmates d'infériorisation ne sont peut-être pas imputables à "l'État colonial" qui, au contraire, a aussi vécu dans la fascination de l'Autre.

11019317242alg_rie_types   

 

 

La réalité historique du temps colonial
Ni la colonisation ni le "colonialisme" ne se réduisent aux notions d'esclavage, de dépossession, de brutalisation ou d'animalisation qu'on croise dans la littérature des "indigènes" et qui
ne recouvrent pas ce qu'a été la réalité historique du contact entre populations, le champ et les effets de la présence/domination coloniale. La vérité, c'est que les rapports réels qu'entretinrent ces sociétés furent marqués par «l'ambivalence» comme l'affirme l'historien Daniel Rivet qui, à égale distance de l'injuste apologie et de la débile repentance, définit ainsi le champ de l'investigation historienne :

"Il ne revient pas à l'historien, sous couvert d'objectivité, de donner des couleurs en demi-teinte à ce temps de la colonisation au Maghreb. Pas plus qu'elle n'est blanche ou noire, la vérité n'est grise. Et l'analyste se doit d'écouter les protagonistes se crier qu'ils constituaient un couple passionnel d'ennemis complémentaires sur fond de haine qui ressemblait à de l'amour. Il lui appartient autant de mesurer la métamorphose silencieuse que le fait colonial accomplit sur les contemporains, en se jouant de la barrière clivant en deux la cité coloniale" (Le Maghreb à l'épreuve de la colonisation, Hachette, 2002, p. 18).

On est loin de cette rigueur historienne chez les idéologues de la "fracture coloniale". Leur discours fait2226136819.01.lzzzzzzz1 obstacle à la recherche historique en qualifiant par avance celle-ci de "révisionniste" si, par exemple, elle compare : "l'esprit de service public qui aurait animé les fonctionnaires coloniaux et la corruption des services des États postcoloniaux" (Bancel, Blanchard, Vergès, La République coloniale, Albin Michel, 2003, p. 129).

 

Or, l'examen des rapports entre administration coloniale et sujets coloniaux peut conduire à des appréciations non simplistes. Mohammed Harbi écrit ainsi :
"Est-il possible d'interpréter le fonctionnement de l'État [algérien depuis 1962] à la lumière de ce passé ? Considérons, par exemple, l'administration locale dans ses rapports avec les usagers. On sait que les institutions locales juxtaposent des éléments du système français (communes de plein exercice) et des éléments adaptés du système turc (communes mixtes). Dans les communes de plein exercice, la bureaucratie conçue surtout à l'usage des Européens est impersonnelle, universaliste et égalitaire. Elle agit en fonction d'un droit censitaire, certes, mais non en fonction du statut social ou politique. Dans les communes mixtes, au contraire, la relation fondamentale est politique et est personnalisée. La bureaucratie ignore de fait le droit. En dehors d'une protection souvent monnayée, l'arbitraire ne connaît pas de frein. L'insécurité est la règle. La relation avec l'administration est donc fondée sur la rationalité d'échanges particuliers, sur la satisfaction de fins personnelles, de transactions où chacun doit trouver son compte." (L'Algérie et son destin. Croyants ou citoyens, Arcantère, 1992, p. 25)

 

"la colonisation a été le cadre

d'une initiation à la société civile"

Mohammed Harbi

 

Le poids du passé colonial doit donc s'évaluer dans ses modalités contradictoires. Comme le dit Mohammed Harbi : "La colonisation a été ambivalente dans ses effets. D'un côté, elle a détruit le vieux monde, au détriment de l'équilibre social et culturel et de la dignité des populations. D'un autre coté, elle a été à l'origine des acquis qui ont créé la modernité algérienne. (...) On peut même dire, sans risque de se tromper, que la colonisation a été le cadre d'une initiation à ce qui est une société civile, même si cetsa_da_commune_mixte apprentissage s'est fait malgré elle et s'est heurté à une culture coloniale, d'essence raciste" (ibid., p. 26 et 27). Faudra-t-il désormais affirmer que l'historien Mohammed Harbi est "révisionniste" ? qu'il nourrit les nostalgiques et les tenants d'un "bilan positif" de la colonisation en affirmant que celle-ci a été ambivalente ?

 

 

 

 

Saïda, bureaux de la Commune mixte et mosquée

"tourner le dos

à une histoire qui culpabilise l'autre"

Mohammed Harbi

 

Il y a longtemps que les historiens sérieux font la part des choses : la mémoire et l'idéologie sont une expression possible du rapport au passé, l'investigation historienne en est une autre ; la première joue sur les affects, la seconde s'en affranchit pour atteindre la vérité globale d'une dynamique historique. Encore faut-il, pour y parvenir, souscrire au souhait de Mohammed Harbi : "En un mot, il faut, pour le plus  grand profit des générations nouvelles, tourner le dos à une histoire qui vise seulement à culpabiliser l'autre, secrète, volontairement ou non, la xénophobie et entretient l'anti-algérianisme" (ibid., p. 27).

 

 

"Filles et fils de colonisés..." : mais pour quel héritage ?
La revendication, par les "Indigènes de la République" d'un héritage politique avec des grands-parents colonisés gagnerait à être explicité. De qui parle-t-on ? Des militants pour l'indépendance ? Mais le fait de se déclarer pour l'indépendance n'est pas une caution de progressisme généralisé.

En Algérie, le courant assimilationniste (fin XIXe - début du XXe siècle) qui s'incarna dans les "Jeunes056__ferhat_abbas_2_ Algériens", ou dans les personnalités du Dr Bendjelloul et de Ferhat Abbas, s'incrivait dans le cadre d'une intégration de l'Algérie à la France tout en réclamant la citoyenneté et en soutenant le combat pour la modernité. Ils ont été politiquement dépassés par le mouvement nationaliste mais leur apport est à examiner pour qui s'intéresse à l'émancipation sociale. Mohammed Harbi est très clair à ce sujet :

"Du courant assimilationniste, l'historiographie nationaliste élude les évolutions et ne retient que la démission devant la question nationale. Que d'arguments pourtant il a fourni au nationalisme ! Son intérêt ne s'arrête pas là. Les assimilationnistes ont diffusé depuis le début du siècle une littérature d'une valeur considérable. On trouve chez eux une volonté profonde de réforme morale et intellectuelle, une conscience plus nette que chez les nationalistes des effets négatifs des archaïsmes sur la situation de la femme [par leur alliance avec les islamistes, les "Indigènes" de 2005 sont en-deçà des assimilationnistes algériens des années 1920 ou 1930 au sujet de l'émancipation féminine...] comme sur la personnalité de l'Algérien et une lucidité aiguë sur les rapports intérieurs de dépendance (khamessat ou métayage au 1/5e et clientélisme). Leurs attaques contre l'absolutisme des notables et le charlatanisme des marabouts sonnent juste" (Mohammed Harbi, 1954, la guerre commence en Algérie, éd. Complexe, 1989, p. 109-110).

Quand on examine l'attitude des "Jeunes Algériens" revendiquant "la naturalisation, la constitution de la propriété privée, la justice, l'établissement de l'état-civil, la scolarisation des enfants"...,  on s'aperçoit qu'ils "jouent" la modernité générée par la colonisation pour contrer le traditionalisme des notables et que cela implique un sens politique : "Le groupe des Jeunes Algériens, conscient de la difficulté de faire admettre aux masses musulmanes des institutions proposées par la colonisation, demande qu'on ne les brusque pas. Il faut suivre à leur égard une politique adaptée à leur niveau en attendant que l'école les prépare à embrasser la civilisation moderne. Seule cette institution les disposera à se débarasser de leurs préjugés et à revendiquer la citoyenneté française" (Mahfoud Smati, Les élites algériennes sous la colonisation, tome 1, éd. Dahlab/Maisonneuve & Larose, 1998, p. 209).

Mahfoud Smati cite Louis Khodja, "qu'on peut considérer comme le leader des jeunes Algériens" :
"Je veux bien admettre pour un instant que le Coran sera toujours un obstacle infranchissable à l'assimilation de l'indigène. Est-ce à dire que la France doive abandonner l'oeuvre, aussi noble que charitable, d'élever l'Arabe à son niveau social ? Certes, je n'hésite pas à répondre non. La France pourrait encore tenter, en effet, l'assimilation progressive par l'instruction et par l'éducation de la jeunesse actuelle ; la dépouiller aussi peu à peu de ses préjugés, et se l'attacher insensiblement d'une manière sûre et définitive. Dans cet acheminement lent vers un but aussi généreux, le Gouvernement devra montrer la plus grande bienveillance envers les Arabes qui, trop vieux pour apprendre, ne sauraient se dépouiller immédiatement des usages et des moeurs séculaires ; mais qui, en laissant aller leurs enfants aux écoles françaises, sacrifient par là même une part de leurs croyances et de leur fanatisme" (Les élites..., p. 209-210).

Louis Khodja écrivait ceci en 1891 dans : À la Commission du Sénat, la question indigène par un Français d'adoption. Est-on sûr que la société algérienne actuelle ait dépassé le seuil de ces questions ?

Réduire la grille de lecture du passé colonial à  une polarité bien/mal, le "bien" étant les indigènes en lutte pour leur indépendance et le "mal" étant le colonisateur,  est une violence faite à la vérité historique qui est bien plus complexe. Cela "sent un peu son traité du colonialisme à la Jean-Paul Sartre et Albert Memmi", écrit Daniel Rivet qui, traitant du Maroc, repousse cette facilité :

2207241297.01._sclzzzzzzz_"En vérité, entre Marocains et Français, le rapport ne fut pas aussi unilatéralement asymétrique. Sous le colonialisme perdure une autre histoire : celle qui se tisse non pas entre les deux archétypes du colon et de l'indigène, mais entre des personnes, que seule l'histoire orale a le pouvoir de restituer" (Daniel Rivet, Le Maroc de Lyautey à Mohammed V, le double visage du Protectorat, Denoël, 1999, p. 365).

 

 

 

Le cas de l'école malmène l'idée d'un "colonialisme" comme système unilatéralement "oppresseur"
Les partisans de la "fracture coloniale" (Blanchard, Bancel...) privilégient une vision du passé colonial de la France destinée à illustrer par avance ce qu'ils ont décidé de démontrer - même si on trouve des énoncés contradictoires ou prudents du genre "aucune situation n'est simplement le produit, l'effet du colonial" (La République coloniale, p. 14). Ainsi affirment-ils que "la République ne fut pas «bafouée», trahie, trompée aux colonies, elle y imposa, bien au contraire, son utopie régénératrice, l'utopie d'une République coloniale" (op. cit., p. 13).
C'est cette mise en système qui est critiquable chez les auteurs de la République coloniale, cette vision d'une machine sociale auto-régulée, génératrice
toute puissante de normes et de valeurs univoques. L'investigation historique ne rencontre jamais ce type de réalité. Mais des situations d'intrications, de prescriptions et de résistances... Pour Blanchard, Bancel et Françoise Vergès, l'école coloniale est donc, le "lieu d'une utopie" (p. 62-63), alors que l'historienne Yvonne Turin y voyait, en 1971 (...!) le lieu "d'affrontements" (Affrontements culturels dans l'Algérie coloniale : écoles, médecines, religion, 1830-1880, Maspéro, 1971 ; Enal, 1983). Voici ce qu'à son tour, et dans la lignée d'Yvonne Turin, Omar Carlier écrit sur l'école coloniale :

diapositive15

diapositive21

 

(à suivre...)

 

 

La responsabilité des historiens de la repentance

 

Michel Renard
avril 2006

 

slided_finitif___copie

 

bibliographie

Pascal Bruckner : Le sanglot de l'homme blanc. Tiers-Monde, culpabilité, haine de soi, Seuil, 1983, rééd.2020551179.01.lzzzzzzz 2002.

 

 

 

 

 

mr___port_cros___copie

 

 

 

 

 

contact
michelrenard2@aol.com

Publicité
Publicité
4 septembre 2006

blog "islam en France, 1830-1962"


Diapositive1




le blog "islam en France, 1830-1962"



adresse : islamenfrance.canalblog.com


6608337_p
immolation d'un mouton à la Mosquée de Paris, aïd el-kebir, 1927


La présence musulmane en France est l'enfant de la conquête coloniale de l'Algérie. Des prisonniers de l'île Sainte-Marguerite, entre 1841 et 1884, aux premiers émigrés kabyles d'avant 1914 et jusqu'aux contingents de Nord-Africains des années 1950 et 60, les Algériens représentent l'élément humain le plus nombreux qui reproduit en exil les pratiques religieuses musulmanes.

Sans ostentation et sans le secours de ses clercs savants, l'islam des ouvriers et petits marchands d'Algérie en France s'est exprimé par la prière et les fêtes rituelles, par le jeûne du mois de Ramadan, par la solidarité communautaire, par l'exaltation d'une identité perçue comme momentanément dominée mais riche de son passé idéalisé. Jusqu'au début des années 1970, il est resté massivement un islam du rite et de la foi, plutôt extérieur aux formulations politiques qui étaient accaparées par l'organisation nationaliste (Étoile Nord-Africaine, puis PPA et MTLD, avant le FLN). L'expérience du mouvement des Oulémas en métropole (1936-1938) est ainsi restée sans beaucoup d'impact.

Mais l'islam de métropole ne doit pas qu'à l'Algérie. Ses manifestations architecturales, qu'elles soient funéraires ou sanctuarisées avec quelques édifices du culte, relèvent d'initiatives institutionnelles : après l'ambassade ottomane à Paris qui obtient l'enclos musulman et la "mosquée" dans le cimetière du Père-Lachaise (1857), l'armée française est à l'origine d'une attention généralisée aux rituels d'inhumation musulmans à partir de l'automne 1914, et ensuite par la réalisation mémorialo-commémorative des nécropoles militaires et des carrés musulmans dans les cimetières.

La Mosquée de Paris, élément phare de l'islamophilie française, trouve ses origines dans le croisement des intérêts diplomatiques de la France en tant que "grande puissance" arabo-musulmane, et des projets de milieux indigénophiles attachés au respect des croyances religieuses des Arabes musulmans qu'ils soient sujets ou protégés du domaine colonial. L'Institut musulman de la Mosquée de Paris (1926) s'est incarné, jusqu'en 1954, dans la figure emblématique de Si Kaddour ben Ghabrit, né algérien, entré dans la carrière diplomatique comme agent du quai d'Orsay dès 1892, directeur du protocole du Sultan du Maroc et président de la Société des Habous des Lieux saints de l'Islam, première personnalité musulmane de métropole.

Michel Renard


islamenfrance.canalblog.com



- retour à l'accueil

12 avril 2006

Un texte délirant

unif5
artilleurs coloniaux en Indochine au début du XXe siècle
(musée troupes de Marine)



un texte délirant

Ce n'est pas pour appeler moi-même à cette manifestation que je publie ce texte, mais pour lui confronter les arguments qui figurent sur ce blog.


TOUS-TES A LA MARCHE DES INDIGENES DE LA REPUBLIQUE,
LE 8 MAI PROCHAIN !!!
  


TOUS-TES A LA MARCHE DES INDIGENES DE LA REPUBLIQUE, LE 8 MAI PROCHAIN !!! Le 17 janvier 2005, l’Appel intitulé «Nous sommes les indigènes de la république» était rendu public. Il a suscité rapidement le soutien enthousiaste de milliers de personnes pour la plupart issues de l’immigration postcoloniale. Il a suscité également la réprobation virulente de la plupart des composantes de la scène politique, de droite comme de gauche. La raison en est simple : nous sommes passés du rôle d’accusés, constamment suspects de «délinquance», d’«islamisme», d’«antisémitisme», de «sexisme», de «communautarisme» et autres monstruosités liées à nos prétendus atavismes culturels, au rôle d’accusateurs. Nous avons dévoilé l’hypocrisie républicaine qui parle d’égalité et d’universalisme alors qu’elle reproduit la ségrégation et le racisme. Nous avons dévoilé l’hypocrisie d’un certain «anti-racisme» qui, à l’instar des appendices du PS, SOS-Racisme et Ni Putes Ni Soumises, se contente de regretter la permanence de représentations racistes sans contester le système qui les produit et les discriminations sociales, culturelles et politiques qu’elles impliquent. L’Appel a dévoilé ce que la république occulte : le racisme dont sont victimes les populations issues de l’immigration est ancré dans un système social, politique, institutionnel et idéologique, produit de la colonisation, qui perpétue la ségrégation raciale et culturelle en France. Nous avons dit : le colonialisme n’a pas été une parenthèse malencontreuse qui s’est refermée avec les Indépendances ; le postcolonialisme poursuit le colonialisme sous une autre forme vis-à-vis des anciennes colonies, des actuelles possessions françaises et des populations issues de l’immigration.

Le premier défi que nous nous étions lancé en publiant l’Appel était d’imposer un débat public sur le rapport entre l’histoire coloniale de la république et les discriminations dont sont l’objet les noirs, les arabes et les musulmans. Ce défi a été relevé. Sur la base de l’Appel, de nombreuses forces se sont regroupées, constituant des collectifs comme autant d’instruments de lutte : militant-e-s des quartiers ou de l’immigration, associations musulmanes, de travailleurs maghrébins, espaces engagés dans la solidarité avec le peuple palestinien, féministes, militant-e-s de gauche, toutes et tous uni-e-s contre le postcolonialisme. Grâce à la Marche des indigènes du 8 mai 2005, à laquelle ont participé plusieurs milliers de personnes, et à de multiples initiatives dans différentes villes de France ; grâce à la lutte contre la loi du 23 février ; grâce surtout à la révolte des quartiers populaires, les questions soulevées dans l’Appel sont aujourd’hui au coeur du débat politique. Désormais, incontournable, la question du postcolonialisme est sujet d’une controverse qui traverse l’ensemble de l’espace politique, médiatique, intellectuel et académique, obligé de se positionner sur les thèses de l’Appel qu’ont confirmé de manière éclatante les événements qui se sont succédés depuis sa publication.

Un chapelet de lois et de mesures ont été prises, ou sont en voie de l’être, qui aggravent encore plus la situation des populations issues de l’immigration coloniale et postcoloniale tandis que l’offensive raciste, négrophobe et islamophobe prend des proportions alarmantes. Cette offensive s’inscrit dans le cadre d’une attaque sans précédent pour imposer l’ordre sécuritaire et néolibérale dont l’ensemble des couches laborieuses et de la jeunesse sont la cible. Elle s’inscrit aussi dans le contexte de la politique de « guerre des civilisations » et de «recolonisation du monde» que mènent les Etats-Unis relayés notamment par la France. Mais les thèses de l’Appel ont d’abord été confirmées par les luttes de ces derniers mois : la révolte des quartiers populaires, les luttes des sans-papiers, les luttes pour le droit au logement, les mobilisations en France et aux Antilles contre la loi inique du 23 février 2005, qui réaffirme l’«œuvre positive» de la France coloniale, les mobilisations contre la loi «sur l’égalité des chances». Ces luttes ont montré également la nécessité pour les populations issues de l’immigration postcoloniale de prendre en charge leur destin, de s’organiser, d’unir leurs énergies pour constituer une force politique autonome. Les sans-papiers, les immigrés parqués dans des foyers insalubres et dangereux, les habitants des quartiers, les jeunes confrontés aux brutalités policières, les ouvriers étrangers «derniers embauchés, premiers licenciés», les personnes issues des Dom Tom, les musulmans interdits de pratiquer leur foi, ont un même adversaire : la politique de ségrégation raciale mise en œuvre par la république dans la continuité de son passé colonial. Les luttes des populations issues de l’immigration et des quartiers ne pourront imposer le changement que si elles convergent au sein d’une dynamique autonome. Mais, si elle concerne en premier lieu les populations issues de l’immigration, c’est l’ensemble des classes populaires qui est visé aujourd’hui par l’offensive gouvernementale. La «loi sur l’égalité des chances», présentée comme une réponse à la «crise des banlieues», fragilise toute la jeunesse et les travailleurs en même temps qu’elle accroît l’extrême précarité des immigrés et de leurs enfants, français ou non. Les mesures policières, présentées comme une réponse à la «délinquance» des jeunes des «quartiers sensibles», a pour but également de permettre le contrôle social et la répression des classes populaires dans leur ensemble.

Depuis des décennies, les politiques de droite comme de gauche, manipulent ce qu’elles appellent le «problème de l’immigration». La «sécurité» ou le prétendu «danger islamiste» sont devenus les thèmes de prédilection d’une propagande qui vise à briser toute résistance à la politique néo-libérale et conservatrice. La perpétuation des discriminations et du racisme, inscrite dans le système postcolonial, est une arme contre l’ensemble du mouvement social. A toutes les forces progressistes et démocratiques, nous disons ceci : soyez avec nous dans la lutte contre le racisme et les discriminations ! Rejoignez le combat contre le postcolonialisme ! Le 8 mai prochain, sous le signe de Toussaint Louverture, héros de la lutte contre l’esclavage, nous battrons le pavé parisien pour affirmer haut et fort la nécessité d’une lutte autonome des populations issues de l’immigration postcoloniale et notre volonté de trouver les chemins d’un «tous ensemble» anticolonialiste. Toutes et tous à la Marche des Indigènes, le 8 mai prochain à 14h de République à Barbès !!!

- Pour l’amnistie des révoltés d’octobre-novembre 2005 et des personnes inculpées à la suite des manifestations contre le CPE !
- Abrogation de la loi pour l’égalité des chances !
- Abrogation des articles colonialistes de la loi du 23 février 2005 !
- Non, à la loi sur l’immigration jetable ! Dignité ! Egalité ! Justice !

Les Indigènes de la république
jeudi 30 mars 2006

("posté" sur plusieurs sites)
      

- retour à l'accueil

6 avril 2006

Et maintenant, les nouveaux racistes ! (François Darras)

affrec1

les Français «restent» intrinsèquement des colonisateurs
pour les "Indigènes de la République"

 

Et maintenant, les nouveaux racistes !

François DARRAS

 

Ça nous pendait au nez. C'était quasiment programmé. L'émergence et l'affirmation, grâce au soutien médiatique que l'on sait, d'une gauche réac, anti-républicaine, cléricale, anti-laïque, communautariste et ethniciste ne pouvait qu'enfanter ce «monstre» qu'est la pétition intitulée «nous sommes les indigènes de la République», lancée sur le site islamiste «oumma.com», appuyée par des personnalités d'extrême gauche, ou même de gauche, la fraction antisioniste des Verts, des partisans de Dieudonné, Tarik Ramadan, des intellectuels pro islamistes (mais aussi d'authentiques antiracistes ou anti-colonialistes démocrates) et publiée, sans distanciation critique, dans les colonnes du Monde. (Précisons que plusieurs signataires de ce texte inouï, parfois dément, que nous avons contactés, ont pris leurs distances depuis qu'ils l'ont vraiment lu).

Texte angoissant, tant il rompt radicalement avec tout l'héritage progressiste, humaniste, universaliste de la tradition républicaine. Le ton est donné d'emblée puisque les signataires s'autoproclament «militants engagés dans les luttes contre l'oppression et les discriminations produites par la République post-coloniale». Et, en effet, ce qui, de bout en bout est stigmatisé, assimilé à l'esclavagisme, ce n'est ni la monarchie qui pratiqua la traite des noirs, ni l'empire qui rétablit la servitude, ni le capitalisme qui exacerbe les discriminations ethniques et sociales, qui ghettoïse les populations venues d'ailleurs, mais, obsessionnellement, l'ignoble République, celle-là même qui, à deux reprises, avec l'abbé Grégoire et Victor Schoelcher, imposa l'émancipation totale des esclaves ! Les expressions sont significatives : «la République de l'égalité est un mythe», «il est temps que la France interroge ses Lumières» - oh l'odieux Voltaire ! – qu'elle «refoule son nationalisme arc-bouté au chauvinisme de l'universel (sic)».

 

Que dit, au fond, ce texte qui témoigne d'une régression absolue ?

- Qu'à l'union et à la solidarité des exploités, d'hier et d'aujourd'hui, telles que l'histoire de notre pays en a souvent magnifié les combats, et quelles que soient leur origine ou leur religion, doit se substituer une véritable sécession des indigènes de l'intérieur qui n'ont rien de commun avec ces Français autochtones qui ont été et «restent» intrinsèquement des colonisateurs, sinon des esclavagistes, qu'ils le veuillent ou pas, et quelque combat anti-colonialistes qu'ils aient mené. D'ailleurs, ce n'est pas la barbarie du système économique néo-libéral ni l'exacerbation sauvage de la loi du marché, mais, encore et toujours, la «République qui relègue les populations de banlieue aux marges de la société».

- Que, de même que le Français de souche restera génétiquement un colonisateur et un esclavagiste – un héritier des méchants -, les musulmans, les noirs, resteront eux, tout aussi génétiquement, des fils, petits-fils, arrière petits-fils «d'esclaves», de «déportés» ou de «colonisés», enfermés donc, pour l'éternité, dans ce statut qui les exclut par définition de toute communauté citoyenne possible.

- Que toute forme d'intégration – et surtout d'intégration républicaine - est, en conséquence, une trahison et que, par exemple, les élus issus des populations immigrés ne peuvent que jouer le rôle «de beurs ou de blacks de service !», y compris, bien sûr, les Harlem Désir, les Malek Boutih ou les Kofi Yamgnane. Que signifie, à cet égard, cette phrase : «la loi elle-même n'est pas toujours égale : ainsi l'application du statut personnel aux femmes maghrébines ou sub-saharienne» - que signifie-t-elle, sinon que lutter contre la polygamie est, en soi, scandaleux ?

- Que la participation, aux côtés de républicains progressistes autochtones, à des combats émancipateurs et citoyens, relève donc de la collaboration ethnique, comme les staliniens parlaient de «collaboration de classe».

- Que le respect du principe de laïcité constitue une agression contre les musulmans, donc contre les «colonisés», de même que «la gestion de l'Islam par le ministre de l'Intérieur» ou la lutte contre l'immigration clandestine, c'est-à-dire contre des gens «qui sont contraints de franchir les frontières illégalement». Là où ce texte est paranoïaque, c'est qu'il ajoute aussitôt : «on tente de faire jouer aux travailleurs immigrés le rôle de dérégulateur du marché du travail pour étendre à l'ensemble des salariés encore plus de précarité et de flexibilité». Ça, c'est juste. Mais précisément l'immigration libre revendiquée y contribue.

- Que «la gangrène coloniale s'empare des esprits... au point qu'une frange active du monde intellectuel, politique et médiatique, devenue agent de la pensée bushienne, désigne, comme aux heures glorieuses de la colonisation, sous le vocable d'intégrisme, les populations indigènes comme la 5ème colonne de la barbarie qui menace l'Occident et ses valeurs» : or, que désigne cette phrase sinon tous ceux qui se posent en adversaires de l'islamisme radical et du terrorisme ?

- Que les «fils et petits-fils de» (expression employée par référence à l'association des «fils et filles de déportés» de Serge Klarsfeld) sont appelés, en tant qu'indigènes, à «décoloniser la République», c'est-à-dire, si les mots ont un sens, à se comporter à l'égard de la France, mais au sein de la France, comme l'ont fait les Moudjahidins algériens (ou les Fedayins palestiniens à l'égard d'Israël).

Donc, de même que le Français est un colon, même chez lui, l'immigré est un «indigène», même en «métropole». Ni l'un ni l'autre ne peuvent s'en sortir, en somme, biologiquement assignés qu'ils sont à ce rôle ou à cette fonction. Aucune fusion n'est possible, aucun combat commun n'est envisageable, autre que celui-là auquel appelle les signataires, qui est celui de la revanche

Jamais une fraction de la gauche n'avait cautionné un texte de diversion aussi intrinsèquement de droite, raciste, clérical, diviseur, confessionnel et rétrograde. Jamais un tel cadeau n'avait été fait aux vrais oppresseurs et exploiteurs, qui toujours se nourrissent des guerres intestines qui neutralisent et paralysent leurs victimes, par des extrémistes dévoyés qui croient sincèrement se rebeller contre l'exploitation et l'oppression !

François Darras
kahnjf1(pseudo de Jean-François Kahn)

le 21 décembre 2005 à 12 h 18
sur le site de l'hebdomadaire Marianne

logo1



 

* une réponse (pauvrement argumentée) à cette analyse, par Julien Salingue du site Tou(TE)s Égaux

** excellent démontage de l'idéologie des "indigènes de la République" dans l'Observatoire du communautarisme

*** autre analyse intéressante provenant de la revue jésuite Études et signée Bruno Guigue : la République au défi de l'ethnicité2747520935r, mise en ligne sur l'Observatoire du communautarisme. Bruno Guigue (né en 1962, ENS, ENA) est l'auteur de plusieurs ouvrages publiés chez l'Harmattan, dont : Aux origines du conflit israélo-arabe. L'invisible remords de l'Occident (nouv. éd., 2002).

 

 

 

 

- retour à l'accueil

6 avril 2006

Naissance d'une nouvelle identité : le conglomérat des opprimés de père en fils (Leïla Babès)

154728901239
au temps de l'Algérie coloniale



Naissance d'une nouvelle identité :

le conglomérat

des opprimés de père en fils


Ce texte ne défend à aucun moment le principe

d'égalité des sexes

Leïla BABÈS*


Cette semaine, un appel intitulé «Nous sommes les indigènes de la République !... », a été publié sur le site islamique Oumma.com. La démarche qui projette d'organiser des Assises de «l'anti-colonialisme post-colonial», a recueilli de nombreuses signatures émanant de divers milieux et origines, mais dont il est possible d'identifier, par la nature du texte ainsi que par les noms de quelques signataires, comme le prédicateur suisse Tariq Ramadan, les chercheurs François Burgat et Vincent Geisser, tous deux ardents défenseurs des islamistes, les convergences d'idées.

On y trouve également des associations de travailleurs immigrés, des courants d'extrême gauche, des Verts, et des personnalités qui se sont distinguées par leur opposition au vote de la loi d'interdiction des signes religieux à l'école comme le sociologue de l'immigration, Saïd Bouamama

Ce qui frappe dans ce texte pour le moins étrange, c'est la référence à un cadre d'inscription qui n'est ni la citoyenneté, ni l'immigration proprement dite, mais les anciennes colonies. En fait, c'est un procès qui est fait à la France coloniale, esclavagiste, accusée de pratiquer aujourd'hui encore les mêmes traitements aux citoyens ou ressortissants appartenant aux peuples anciennement colonisés ou définitivement conquis comme les Antillais.

Il n'est pas superflu de relever dans ce texte où règne une confusion savamment entretenue par une rhétorique belliqueuse et vindicative, quelques amalgames et contre-vérités. Bref, la lecture de cet appel qui s'apparente plus à un brûlot qu'à un engagement serein, laisse une impression de malaise.

Bien entendu, la dénonciation des discriminations à l'embauche et au logement est légitime et ne souffre d'aucune discussion. Le texte y adjoint toutefois, les domaines de l'école, de la santé et des loisirs.
Dans le premier cas, la loi d'interdiction des signes religieux, que le manifeste appelle «loi anti-foulard», est jugée «discriminatoire, sexiste, (et) raciste», «une loi d'exception aux relents coloniaux». Arrêtons-nous d'abord sur les termes de ce procès fait à la loi, donc à la France.

La confusion entretenue entre le registre des «signes ostensibles» d'appartenance religieuse dans un secteur clairement circonscrit - écoles, collèges et lycées -, c'est-à-dire non pas l'ensemble d'une religion mais l'exhibition de ses signes dans un lieu unique, et la notion de racisme dont ferait l'objet un vague conglomérat identitaire dont rien ne permet de définir les contours - religieux, culturel, ethnique ? -, laisse perplexe.

Voilà donc une loi désignée comme discriminatoire - pour qui ? Les femmes, les musulman(e)s, les Arabes, les Africains, les immigrés ? -, et tous les Français originaires des anciennes colonies, ainsi que les immigrés - lesquels ? Seulement les Maghrébins, Africains et Musulmans, ou faut-il aussi ajouter les Polonais, les Portugais et les Kosovars ? -, ainsi que les Antillais, descendants d'esclaves, devraient se sentir concernés, non pas sur un plan citoyen, mais sur un plan identitaire, comme opprimés et descendants d'opprimés. Une nouvelle identité est née : le conglomérat des opprimés de père en fils. On est pourtant forcé en parcourant la liste des signataires, de s'interroger sur les raisons qui poussent tant de personnes dont la réussite sociale ne fait pas de doute, à se sentir malheureuses. Mais c'est une autre histoire.

Deuxième terme tout aussi problématique que le précédent : sexiste. Ainsi donc, la loi est une atteinte aux femmes voilées, non parce qu'elles portent un voile à l'école, mais parce qu'elles sont femmes. En d'autres termes, défendre le voile revient à défendre les femmes comme les égales des hommes. Il est d'ailleurs symptomatique que le texte qui dénonce l'oppression des peuples, l'impérialisme et le néo-colonialisme et en appelle à l'égalité de manière générale, ne défend à aucun moment le principe d'égalité des sexes. Que le port du voile soit un obstacle pour les femmes dans l'accès aux fonctions publiques, ne serait-ce que parce que les idéologues qui ont fait du voilement du corps de la femme le symbole de toute leur campagne, les assignent tout naturellement à la domesticité, ne semble nullement gêner ces nouveaux militants de la lutte contre les discriminations.

Quant au domaine de la santé, je ne vois pas à quelles sortes de discriminations les populations originaires des anciennes colonies sont confrontées. En revanche, on ne peut s'empêcher de penser au refus des islamistes de laisser leurs femmes se faire examiner ou soigner par un médecin homme. De la même manière, la faute en est à la République qui opprime les femmes, et non aux hommes qui préféreraient mettre en danger la vie des leurs épouses plutôt que de les livrer à des médecins qui n'ont bien sûr rien d'autre à faire qu'à tripoter leurs patientes.

Autres accusations : la République, néo-coloniale donc, est responsable comme par le passé, des dissensions internes au «conglomérat», en opposant les Berbères aux Arabes, les Juifs aux «Arabo-musulmans» et aux Noirs, ainsi que des risques que prennent les candidats à l'immigration clandestine en franchissant les frontières illégalement. Un tel délire se passe de commentaire.

Mais lorsqu'il est question de dénoncer l'application du statut personnel aux femmes d'origine maghrébine et sub-saharienne, - dénonciation que je partage évidemment -, il est tout de même étonnant que l'évocation de cette aberration ne soit nullement accompagnée d'un positionnement clair en faveur des valeurs qui accompagnent tout naturellement ce dysfonctionnement : l'égalité des sexes, et l'ensemble des valeurs laïques. Mais on comprend que cela risque de faire apparaître au grand jour les contradictions inhérentes à ce front du refus et du ressentiment, que le seul moyen de surmonter est l'usage du langage de la confusion.

Quant aux jeunes «issus de l'immigration», ils seraient accusés «d'être le vecteur d'un nouvel anti-sémitisme». Impossible de ne pas relever là aussi la pratique de l'amalgame et de la dénégation. Car s'il est faux que c'est l'ensemble des jeunes «issus de l'immigration» qui fait l'objet d'une telle accusation, en assénant cette contre-vérité, on élude par-là même l'existence d'une attitude effectivement antisémite chez une partie de ces jeunes, et on se dédouane de toute condamnation dans ce sens.

Le même scénario se reproduit avec une autre affirmation lorsqu'il est dit que «sous le vocable jamais défini d'intégrisme, les populations d'origine africaine, maghrébine ou musulmane sont désormais identifiées comme la Cinquième colonne d'une nouvelle barbarie qui menacerait l'Occident et ses valeurs».

Enfin, les contours de l'ennemi se dessinent ensuite sous les traits de ceux qui défendent «frauduleusement», est-il précisé, la laïcité, la citoyenneté et le féminisme. Voilà un procédé qui identifie les courants auxquels appartiennent les «collaborateurs» (le mot est de moi) de la République néo-coloniale, et en même temps sème le doute quant à leur sincérité. Un jeu enfantin pour les amateurs de la théorie du complot. Un indice pour les cancres : laïc = vendu = arabe de service = sioniste.
Moi en tous cas, je me reconnais bien dans l'expression «indigène de la République». Je traduis pour tous les cancres : indigène = habitante = citoyenne. Et j'ajouterais : plutôt bien dans ma peau. Hamdullah !

février 2005
*Auteur de Le voile démystifié, Bayard, 2004


livre_le_la_couv











4073c81e3169d



* Leïla Babès est professeur de sociologie des religions à l'université catholique de Lille


 

- retour à l'accueil

Publicité
Publicité
indigènes de la République
Publicité
Derniers commentaires
Publicité