blog "islam en France, 1830-1962"
le blog "islam en France, 1830-1962"
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immolation d'un mouton à la Mosquée de Paris, aïd el-kebir, 1927
La présence musulmane en France est l'enfant de la
conquête coloniale de l'Algérie. Des prisonniers de l'île
Sainte-Marguerite, entre 1841 et 1884, aux premiers émigrés kabyles
d'avant 1914 et jusqu'aux contingents de Nord-Africains des années 1950
et 60, les Algériens représentent l'élément humain le plus nombreux qui
reproduit en exil les pratiques religieuses musulmanes.
Sans
ostentation et sans le secours de ses clercs savants, l'islam des
ouvriers et petits marchands d'Algérie en France s'est exprimé par la
prière et les fêtes rituelles, par le jeûne du mois de Ramadan, par la
solidarité communautaire, par l'exaltation d'une identité perçue comme
momentanément dominée mais riche de son passé idéalisé. Jusqu'au début
des années 1970, il est resté massivement un islam du rite et de la
foi, plutôt extérieur aux formulations politiques qui étaient
accaparées par l'organisation nationaliste (Étoile Nord-Africaine, puis
PPA et MTLD, avant le FLN). L'expérience du mouvement des Oulémas en
métropole (1936-1938) est ainsi restée sans beaucoup d'impact.
Mais
l'islam de métropole ne doit pas qu'à l'Algérie. Ses manifestations
architecturales, qu'elles soient funéraires ou sanctuarisées avec
quelques édifices du culte, relèvent d'initiatives institutionnelles :
après l'ambassade ottomane à Paris qui obtient l'enclos musulman et la
"mosquée" dans le cimetière du Père-Lachaise (1857), l'armée française
est à l'origine d'une attention généralisée aux rituels d'inhumation
musulmans à partir de l'automne 1914, et ensuite par la réalisation
mémorialo-commémorative des nécropoles militaires et des carrés
musulmans dans les cimetières.
La Mosquée de Paris, élément
phare de l'islamophilie française, trouve ses origines dans le
croisement des intérêts diplomatiques de la France en tant que "grande
puissance" arabo-musulmane, et des projets de milieux indigénophiles
attachés au respect des croyances religieuses des Arabes musulmans
qu'ils soient sujets ou protégés du domaine colonial. L'Institut
musulman de la Mosquée de Paris (1926) s'est incarné, jusqu'en 1954,
dans la figure emblématique de Si Kaddour ben Ghabrit, né algérien,
entré dans la carrière diplomatique comme agent du quai d'Orsay dès
1892, directeur du protocole du Sultan du Maroc et président de la
Société des Habous des Lieux saints de l'Islam, première personnalité
musulmane de métropole.
Michel Renard