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indigènes de la République
12 avril 2006

Un texte délirant

unif5
artilleurs coloniaux en Indochine au début du XXe siècle
(musée troupes de Marine)



un texte délirant

Ce n'est pas pour appeler moi-même à cette manifestation que je publie ce texte, mais pour lui confronter les arguments qui figurent sur ce blog.


TOUS-TES A LA MARCHE DES INDIGENES DE LA REPUBLIQUE,
LE 8 MAI PROCHAIN !!!
  


TOUS-TES A LA MARCHE DES INDIGENES DE LA REPUBLIQUE, LE 8 MAI PROCHAIN !!! Le 17 janvier 2005, l’Appel intitulé «Nous sommes les indigènes de la république» était rendu public. Il a suscité rapidement le soutien enthousiaste de milliers de personnes pour la plupart issues de l’immigration postcoloniale. Il a suscité également la réprobation virulente de la plupart des composantes de la scène politique, de droite comme de gauche. La raison en est simple : nous sommes passés du rôle d’accusés, constamment suspects de «délinquance», d’«islamisme», d’«antisémitisme», de «sexisme», de «communautarisme» et autres monstruosités liées à nos prétendus atavismes culturels, au rôle d’accusateurs. Nous avons dévoilé l’hypocrisie républicaine qui parle d’égalité et d’universalisme alors qu’elle reproduit la ségrégation et le racisme. Nous avons dévoilé l’hypocrisie d’un certain «anti-racisme» qui, à l’instar des appendices du PS, SOS-Racisme et Ni Putes Ni Soumises, se contente de regretter la permanence de représentations racistes sans contester le système qui les produit et les discriminations sociales, culturelles et politiques qu’elles impliquent. L’Appel a dévoilé ce que la république occulte : le racisme dont sont victimes les populations issues de l’immigration est ancré dans un système social, politique, institutionnel et idéologique, produit de la colonisation, qui perpétue la ségrégation raciale et culturelle en France. Nous avons dit : le colonialisme n’a pas été une parenthèse malencontreuse qui s’est refermée avec les Indépendances ; le postcolonialisme poursuit le colonialisme sous une autre forme vis-à-vis des anciennes colonies, des actuelles possessions françaises et des populations issues de l’immigration.

Le premier défi que nous nous étions lancé en publiant l’Appel était d’imposer un débat public sur le rapport entre l’histoire coloniale de la république et les discriminations dont sont l’objet les noirs, les arabes et les musulmans. Ce défi a été relevé. Sur la base de l’Appel, de nombreuses forces se sont regroupées, constituant des collectifs comme autant d’instruments de lutte : militant-e-s des quartiers ou de l’immigration, associations musulmanes, de travailleurs maghrébins, espaces engagés dans la solidarité avec le peuple palestinien, féministes, militant-e-s de gauche, toutes et tous uni-e-s contre le postcolonialisme. Grâce à la Marche des indigènes du 8 mai 2005, à laquelle ont participé plusieurs milliers de personnes, et à de multiples initiatives dans différentes villes de France ; grâce à la lutte contre la loi du 23 février ; grâce surtout à la révolte des quartiers populaires, les questions soulevées dans l’Appel sont aujourd’hui au coeur du débat politique. Désormais, incontournable, la question du postcolonialisme est sujet d’une controverse qui traverse l’ensemble de l’espace politique, médiatique, intellectuel et académique, obligé de se positionner sur les thèses de l’Appel qu’ont confirmé de manière éclatante les événements qui se sont succédés depuis sa publication.

Un chapelet de lois et de mesures ont été prises, ou sont en voie de l’être, qui aggravent encore plus la situation des populations issues de l’immigration coloniale et postcoloniale tandis que l’offensive raciste, négrophobe et islamophobe prend des proportions alarmantes. Cette offensive s’inscrit dans le cadre d’une attaque sans précédent pour imposer l’ordre sécuritaire et néolibérale dont l’ensemble des couches laborieuses et de la jeunesse sont la cible. Elle s’inscrit aussi dans le contexte de la politique de « guerre des civilisations » et de «recolonisation du monde» que mènent les Etats-Unis relayés notamment par la France. Mais les thèses de l’Appel ont d’abord été confirmées par les luttes de ces derniers mois : la révolte des quartiers populaires, les luttes des sans-papiers, les luttes pour le droit au logement, les mobilisations en France et aux Antilles contre la loi inique du 23 février 2005, qui réaffirme l’«œuvre positive» de la France coloniale, les mobilisations contre la loi «sur l’égalité des chances». Ces luttes ont montré également la nécessité pour les populations issues de l’immigration postcoloniale de prendre en charge leur destin, de s’organiser, d’unir leurs énergies pour constituer une force politique autonome. Les sans-papiers, les immigrés parqués dans des foyers insalubres et dangereux, les habitants des quartiers, les jeunes confrontés aux brutalités policières, les ouvriers étrangers «derniers embauchés, premiers licenciés», les personnes issues des Dom Tom, les musulmans interdits de pratiquer leur foi, ont un même adversaire : la politique de ségrégation raciale mise en œuvre par la république dans la continuité de son passé colonial. Les luttes des populations issues de l’immigration et des quartiers ne pourront imposer le changement que si elles convergent au sein d’une dynamique autonome. Mais, si elle concerne en premier lieu les populations issues de l’immigration, c’est l’ensemble des classes populaires qui est visé aujourd’hui par l’offensive gouvernementale. La «loi sur l’égalité des chances», présentée comme une réponse à la «crise des banlieues», fragilise toute la jeunesse et les travailleurs en même temps qu’elle accroît l’extrême précarité des immigrés et de leurs enfants, français ou non. Les mesures policières, présentées comme une réponse à la «délinquance» des jeunes des «quartiers sensibles», a pour but également de permettre le contrôle social et la répression des classes populaires dans leur ensemble.

Depuis des décennies, les politiques de droite comme de gauche, manipulent ce qu’elles appellent le «problème de l’immigration». La «sécurité» ou le prétendu «danger islamiste» sont devenus les thèmes de prédilection d’une propagande qui vise à briser toute résistance à la politique néo-libérale et conservatrice. La perpétuation des discriminations et du racisme, inscrite dans le système postcolonial, est une arme contre l’ensemble du mouvement social. A toutes les forces progressistes et démocratiques, nous disons ceci : soyez avec nous dans la lutte contre le racisme et les discriminations ! Rejoignez le combat contre le postcolonialisme ! Le 8 mai prochain, sous le signe de Toussaint Louverture, héros de la lutte contre l’esclavage, nous battrons le pavé parisien pour affirmer haut et fort la nécessité d’une lutte autonome des populations issues de l’immigration postcoloniale et notre volonté de trouver les chemins d’un «tous ensemble» anticolonialiste. Toutes et tous à la Marche des Indigènes, le 8 mai prochain à 14h de République à Barbès !!!

- Pour l’amnistie des révoltés d’octobre-novembre 2005 et des personnes inculpées à la suite des manifestations contre le CPE !
- Abrogation de la loi pour l’égalité des chances !
- Abrogation des articles colonialistes de la loi du 23 février 2005 !
- Non, à la loi sur l’immigration jetable ! Dignité ! Egalité ! Justice !

Les Indigènes de la république
jeudi 30 mars 2006

("posté" sur plusieurs sites)
      

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6 avril 2006

Et maintenant, les nouveaux racistes ! (François Darras)

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les Français «restent» intrinsèquement des colonisateurs
pour les "Indigènes de la République"

 

Et maintenant, les nouveaux racistes !

François DARRAS

 

Ça nous pendait au nez. C'était quasiment programmé. L'émergence et l'affirmation, grâce au soutien médiatique que l'on sait, d'une gauche réac, anti-républicaine, cléricale, anti-laïque, communautariste et ethniciste ne pouvait qu'enfanter ce «monstre» qu'est la pétition intitulée «nous sommes les indigènes de la République», lancée sur le site islamiste «oumma.com», appuyée par des personnalités d'extrême gauche, ou même de gauche, la fraction antisioniste des Verts, des partisans de Dieudonné, Tarik Ramadan, des intellectuels pro islamistes (mais aussi d'authentiques antiracistes ou anti-colonialistes démocrates) et publiée, sans distanciation critique, dans les colonnes du Monde. (Précisons que plusieurs signataires de ce texte inouï, parfois dément, que nous avons contactés, ont pris leurs distances depuis qu'ils l'ont vraiment lu).

Texte angoissant, tant il rompt radicalement avec tout l'héritage progressiste, humaniste, universaliste de la tradition républicaine. Le ton est donné d'emblée puisque les signataires s'autoproclament «militants engagés dans les luttes contre l'oppression et les discriminations produites par la République post-coloniale». Et, en effet, ce qui, de bout en bout est stigmatisé, assimilé à l'esclavagisme, ce n'est ni la monarchie qui pratiqua la traite des noirs, ni l'empire qui rétablit la servitude, ni le capitalisme qui exacerbe les discriminations ethniques et sociales, qui ghettoïse les populations venues d'ailleurs, mais, obsessionnellement, l'ignoble République, celle-là même qui, à deux reprises, avec l'abbé Grégoire et Victor Schoelcher, imposa l'émancipation totale des esclaves ! Les expressions sont significatives : «la République de l'égalité est un mythe», «il est temps que la France interroge ses Lumières» - oh l'odieux Voltaire ! – qu'elle «refoule son nationalisme arc-bouté au chauvinisme de l'universel (sic)».

 

Que dit, au fond, ce texte qui témoigne d'une régression absolue ?

- Qu'à l'union et à la solidarité des exploités, d'hier et d'aujourd'hui, telles que l'histoire de notre pays en a souvent magnifié les combats, et quelles que soient leur origine ou leur religion, doit se substituer une véritable sécession des indigènes de l'intérieur qui n'ont rien de commun avec ces Français autochtones qui ont été et «restent» intrinsèquement des colonisateurs, sinon des esclavagistes, qu'ils le veuillent ou pas, et quelque combat anti-colonialistes qu'ils aient mené. D'ailleurs, ce n'est pas la barbarie du système économique néo-libéral ni l'exacerbation sauvage de la loi du marché, mais, encore et toujours, la «République qui relègue les populations de banlieue aux marges de la société».

- Que, de même que le Français de souche restera génétiquement un colonisateur et un esclavagiste – un héritier des méchants -, les musulmans, les noirs, resteront eux, tout aussi génétiquement, des fils, petits-fils, arrière petits-fils «d'esclaves», de «déportés» ou de «colonisés», enfermés donc, pour l'éternité, dans ce statut qui les exclut par définition de toute communauté citoyenne possible.

- Que toute forme d'intégration – et surtout d'intégration républicaine - est, en conséquence, une trahison et que, par exemple, les élus issus des populations immigrés ne peuvent que jouer le rôle «de beurs ou de blacks de service !», y compris, bien sûr, les Harlem Désir, les Malek Boutih ou les Kofi Yamgnane. Que signifie, à cet égard, cette phrase : «la loi elle-même n'est pas toujours égale : ainsi l'application du statut personnel aux femmes maghrébines ou sub-saharienne» - que signifie-t-elle, sinon que lutter contre la polygamie est, en soi, scandaleux ?

- Que la participation, aux côtés de républicains progressistes autochtones, à des combats émancipateurs et citoyens, relève donc de la collaboration ethnique, comme les staliniens parlaient de «collaboration de classe».

- Que le respect du principe de laïcité constitue une agression contre les musulmans, donc contre les «colonisés», de même que «la gestion de l'Islam par le ministre de l'Intérieur» ou la lutte contre l'immigration clandestine, c'est-à-dire contre des gens «qui sont contraints de franchir les frontières illégalement». Là où ce texte est paranoïaque, c'est qu'il ajoute aussitôt : «on tente de faire jouer aux travailleurs immigrés le rôle de dérégulateur du marché du travail pour étendre à l'ensemble des salariés encore plus de précarité et de flexibilité». Ça, c'est juste. Mais précisément l'immigration libre revendiquée y contribue.

- Que «la gangrène coloniale s'empare des esprits... au point qu'une frange active du monde intellectuel, politique et médiatique, devenue agent de la pensée bushienne, désigne, comme aux heures glorieuses de la colonisation, sous le vocable d'intégrisme, les populations indigènes comme la 5ème colonne de la barbarie qui menace l'Occident et ses valeurs» : or, que désigne cette phrase sinon tous ceux qui se posent en adversaires de l'islamisme radical et du terrorisme ?

- Que les «fils et petits-fils de» (expression employée par référence à l'association des «fils et filles de déportés» de Serge Klarsfeld) sont appelés, en tant qu'indigènes, à «décoloniser la République», c'est-à-dire, si les mots ont un sens, à se comporter à l'égard de la France, mais au sein de la France, comme l'ont fait les Moudjahidins algériens (ou les Fedayins palestiniens à l'égard d'Israël).

Donc, de même que le Français est un colon, même chez lui, l'immigré est un «indigène», même en «métropole». Ni l'un ni l'autre ne peuvent s'en sortir, en somme, biologiquement assignés qu'ils sont à ce rôle ou à cette fonction. Aucune fusion n'est possible, aucun combat commun n'est envisageable, autre que celui-là auquel appelle les signataires, qui est celui de la revanche

Jamais une fraction de la gauche n'avait cautionné un texte de diversion aussi intrinsèquement de droite, raciste, clérical, diviseur, confessionnel et rétrograde. Jamais un tel cadeau n'avait été fait aux vrais oppresseurs et exploiteurs, qui toujours se nourrissent des guerres intestines qui neutralisent et paralysent leurs victimes, par des extrémistes dévoyés qui croient sincèrement se rebeller contre l'exploitation et l'oppression !

François Darras
kahnjf1(pseudo de Jean-François Kahn)

le 21 décembre 2005 à 12 h 18
sur le site de l'hebdomadaire Marianne

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* une réponse (pauvrement argumentée) à cette analyse, par Julien Salingue du site Tou(TE)s Égaux

** excellent démontage de l'idéologie des "indigènes de la République" dans l'Observatoire du communautarisme

*** autre analyse intéressante provenant de la revue jésuite Études et signée Bruno Guigue : la République au défi de l'ethnicité2747520935r, mise en ligne sur l'Observatoire du communautarisme. Bruno Guigue (né en 1962, ENS, ENA) est l'auteur de plusieurs ouvrages publiés chez l'Harmattan, dont : Aux origines du conflit israélo-arabe. L'invisible remords de l'Occident (nouv. éd., 2002).

 

 

 

 

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6 avril 2006

Naissance d'une nouvelle identité : le conglomérat des opprimés de père en fils (Leïla Babès)

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au temps de l'Algérie coloniale



Naissance d'une nouvelle identité :

le conglomérat

des opprimés de père en fils


Ce texte ne défend à aucun moment le principe

d'égalité des sexes

Leïla BABÈS*


Cette semaine, un appel intitulé «Nous sommes les indigènes de la République !... », a été publié sur le site islamique Oumma.com. La démarche qui projette d'organiser des Assises de «l'anti-colonialisme post-colonial», a recueilli de nombreuses signatures émanant de divers milieux et origines, mais dont il est possible d'identifier, par la nature du texte ainsi que par les noms de quelques signataires, comme le prédicateur suisse Tariq Ramadan, les chercheurs François Burgat et Vincent Geisser, tous deux ardents défenseurs des islamistes, les convergences d'idées.

On y trouve également des associations de travailleurs immigrés, des courants d'extrême gauche, des Verts, et des personnalités qui se sont distinguées par leur opposition au vote de la loi d'interdiction des signes religieux à l'école comme le sociologue de l'immigration, Saïd Bouamama

Ce qui frappe dans ce texte pour le moins étrange, c'est la référence à un cadre d'inscription qui n'est ni la citoyenneté, ni l'immigration proprement dite, mais les anciennes colonies. En fait, c'est un procès qui est fait à la France coloniale, esclavagiste, accusée de pratiquer aujourd'hui encore les mêmes traitements aux citoyens ou ressortissants appartenant aux peuples anciennement colonisés ou définitivement conquis comme les Antillais.

Il n'est pas superflu de relever dans ce texte où règne une confusion savamment entretenue par une rhétorique belliqueuse et vindicative, quelques amalgames et contre-vérités. Bref, la lecture de cet appel qui s'apparente plus à un brûlot qu'à un engagement serein, laisse une impression de malaise.

Bien entendu, la dénonciation des discriminations à l'embauche et au logement est légitime et ne souffre d'aucune discussion. Le texte y adjoint toutefois, les domaines de l'école, de la santé et des loisirs.
Dans le premier cas, la loi d'interdiction des signes religieux, que le manifeste appelle «loi anti-foulard», est jugée «discriminatoire, sexiste, (et) raciste», «une loi d'exception aux relents coloniaux». Arrêtons-nous d'abord sur les termes de ce procès fait à la loi, donc à la France.

La confusion entretenue entre le registre des «signes ostensibles» d'appartenance religieuse dans un secteur clairement circonscrit - écoles, collèges et lycées -, c'est-à-dire non pas l'ensemble d'une religion mais l'exhibition de ses signes dans un lieu unique, et la notion de racisme dont ferait l'objet un vague conglomérat identitaire dont rien ne permet de définir les contours - religieux, culturel, ethnique ? -, laisse perplexe.

Voilà donc une loi désignée comme discriminatoire - pour qui ? Les femmes, les musulman(e)s, les Arabes, les Africains, les immigrés ? -, et tous les Français originaires des anciennes colonies, ainsi que les immigrés - lesquels ? Seulement les Maghrébins, Africains et Musulmans, ou faut-il aussi ajouter les Polonais, les Portugais et les Kosovars ? -, ainsi que les Antillais, descendants d'esclaves, devraient se sentir concernés, non pas sur un plan citoyen, mais sur un plan identitaire, comme opprimés et descendants d'opprimés. Une nouvelle identité est née : le conglomérat des opprimés de père en fils. On est pourtant forcé en parcourant la liste des signataires, de s'interroger sur les raisons qui poussent tant de personnes dont la réussite sociale ne fait pas de doute, à se sentir malheureuses. Mais c'est une autre histoire.

Deuxième terme tout aussi problématique que le précédent : sexiste. Ainsi donc, la loi est une atteinte aux femmes voilées, non parce qu'elles portent un voile à l'école, mais parce qu'elles sont femmes. En d'autres termes, défendre le voile revient à défendre les femmes comme les égales des hommes. Il est d'ailleurs symptomatique que le texte qui dénonce l'oppression des peuples, l'impérialisme et le néo-colonialisme et en appelle à l'égalité de manière générale, ne défend à aucun moment le principe d'égalité des sexes. Que le port du voile soit un obstacle pour les femmes dans l'accès aux fonctions publiques, ne serait-ce que parce que les idéologues qui ont fait du voilement du corps de la femme le symbole de toute leur campagne, les assignent tout naturellement à la domesticité, ne semble nullement gêner ces nouveaux militants de la lutte contre les discriminations.

Quant au domaine de la santé, je ne vois pas à quelles sortes de discriminations les populations originaires des anciennes colonies sont confrontées. En revanche, on ne peut s'empêcher de penser au refus des islamistes de laisser leurs femmes se faire examiner ou soigner par un médecin homme. De la même manière, la faute en est à la République qui opprime les femmes, et non aux hommes qui préféreraient mettre en danger la vie des leurs épouses plutôt que de les livrer à des médecins qui n'ont bien sûr rien d'autre à faire qu'à tripoter leurs patientes.

Autres accusations : la République, néo-coloniale donc, est responsable comme par le passé, des dissensions internes au «conglomérat», en opposant les Berbères aux Arabes, les Juifs aux «Arabo-musulmans» et aux Noirs, ainsi que des risques que prennent les candidats à l'immigration clandestine en franchissant les frontières illégalement. Un tel délire se passe de commentaire.

Mais lorsqu'il est question de dénoncer l'application du statut personnel aux femmes d'origine maghrébine et sub-saharienne, - dénonciation que je partage évidemment -, il est tout de même étonnant que l'évocation de cette aberration ne soit nullement accompagnée d'un positionnement clair en faveur des valeurs qui accompagnent tout naturellement ce dysfonctionnement : l'égalité des sexes, et l'ensemble des valeurs laïques. Mais on comprend que cela risque de faire apparaître au grand jour les contradictions inhérentes à ce front du refus et du ressentiment, que le seul moyen de surmonter est l'usage du langage de la confusion.

Quant aux jeunes «issus de l'immigration», ils seraient accusés «d'être le vecteur d'un nouvel anti-sémitisme». Impossible de ne pas relever là aussi la pratique de l'amalgame et de la dénégation. Car s'il est faux que c'est l'ensemble des jeunes «issus de l'immigration» qui fait l'objet d'une telle accusation, en assénant cette contre-vérité, on élude par-là même l'existence d'une attitude effectivement antisémite chez une partie de ces jeunes, et on se dédouane de toute condamnation dans ce sens.

Le même scénario se reproduit avec une autre affirmation lorsqu'il est dit que «sous le vocable jamais défini d'intégrisme, les populations d'origine africaine, maghrébine ou musulmane sont désormais identifiées comme la Cinquième colonne d'une nouvelle barbarie qui menacerait l'Occident et ses valeurs».

Enfin, les contours de l'ennemi se dessinent ensuite sous les traits de ceux qui défendent «frauduleusement», est-il précisé, la laïcité, la citoyenneté et le féminisme. Voilà un procédé qui identifie les courants auxquels appartiennent les «collaborateurs» (le mot est de moi) de la République néo-coloniale, et en même temps sème le doute quant à leur sincérité. Un jeu enfantin pour les amateurs de la théorie du complot. Un indice pour les cancres : laïc = vendu = arabe de service = sioniste.
Moi en tous cas, je me reconnais bien dans l'expression «indigène de la République». Je traduis pour tous les cancres : indigène = habitante = citoyenne. Et j'ajouterais : plutôt bien dans ma peau. Hamdullah !

février 2005
*Auteur de Le voile démystifié, Bayard, 2004


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* Leïla Babès est professeur de sociologie des religions à l'université catholique de Lille


 

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